vendredi 31 juillet 2009

Lu sur Libération.fr

Tous unis autour des New Fabris

Social.Hier, des délégations de salariés d’entreprises en difficulté se sont joints à ceux de Châtellerault.

CHÂTELLERAULT, envoyé spécial LUC PEILLON

Des salariés de New Fabris manifestent à Châtellerault, le 30 juillet

Des salariés de New Fabris manifestent à Châtellerault, le 30 juillet (© AFP Alain Jocard)

Ils sont tous là. Nono le robot, Coluche, Jean-Michel, Patrice et Patrick, Maryse, le champion de boules classé en départemental, les délégués syndicaux… Les deux équipes de jour et celle de nuit. Ils sont là, heureux, réunis dans cette cour, sous un soleil de plomb, ravis de recevoir les délégations d’entreprises qui ont bien voulu répondre à leur invitation.

Der des ders. Devant l’usine New Fabris, à Châtellerault, dans la Vienne, les salariés licenciés du sous-traitant automobile se préparent pour leur dernière manif. La der des ders, hier après-midi, avant le vote aujourd’hui sur l’indemnité - pour l’instant 11 000 euros - arrachée aux donneurs d’ordre Renault et PSA, après un mois et demi d’occupation et de menace au butane.

Une ultime réunion, ce matin en sous-préfecture, devrait permettre de gonfler un peu la somme, mais tous savent que leur lutte s’achève aujourd’hui. Pour cette dernière mobilisation, c’est donc un peu la fête. On fait de nouveau visiter l’usine, on casse la croûte devant le transformateur, on chambre les politiques locaux qui «attendent le dernier jour pour venir». Et surtout, on remercie les autres salariés d’entreprises en difficulté - une vingtaine de délégations - venus d’un peu partout en France soutenir les New Fabris.

Il y a les filles d’Aubade qui se font dragouiller par les Continental, les Molex venus en blouse de travail, les Ford de Bordeaux, les Magneti Marelli débarqués en voisins, les salariés de plusieurs sites de Renault, les Valeo, Sonas, Freescale, TDF. Il y a les hospitaliers du CHU du coin, des postiers et même les journalistes du canard local, la Nouvelle République, qui arborent, tout en travaillant, un autocollant contre leur plan social.

Mais la star de la cour, c’est Xavier Mathieu, le délégué médiatique des «Conti», qui monte sur le transformateur pour brandir une bonbonne de gaz. Les télés sont ravies, même si la bouteille ne faisait que traîner dans un coin.

Aucune star nationale, en revanche, n’a fait le déplacement. Seule Edith Cresson, régionale de l’étape, est venue soutenir les Fabris. «C’est désolant de voir gâcher un tel outil de travail, même si je sais que Renault et Peugeot ont aussi des difficultés», explique l’ancienne Première ministre, avant de s’en prendre à «la domination de la finance» et aux «20 milliards de bonus de Goldman Sachs».

Bientôt, le gros millier de manifestants s’élance hors de l’usine et traverse la zone industrielle. Deudeuche décapotable CGT en tête, d’où dépassent quelques New Fabris, le cortège avance rapidement vers la mairie. «C’est énorme, ça fait trop chaud au cœur, glisse Patrick, 54 ans, le corps courbé par trente-six ans de machine. Mais ce qui me touche le plus, c’est cette femme de chez Renault, venue toute seule ce matin de Paris en voiture. Chapeau !»

A ses côtés, Didier Labrousse, délégué CGT de TDF, dont le dernier plan social prévoit la suppression de 550 emplois, est venu parce qu’il croit «à la convergence des luttes» :«Les bagarres isolées, ça ne sert à rien. Quand on l’a vécu, on sait ce que c’est. Il y a une cohérence, une idéologie, dans la fermeture de toutes ces entreprises, à nous aussi d’être cohérents entre nous dans nos combats.»

Symbole. Même constat pour Xavier Mathieu : «Après ce qu’on a vécu à Clairoix, on a forcément envie d’être solidaires. Il paraît aussi que je suis un symbole, mais un symbole, ça n’existe que si l’on se bat pour les autres. Voilà pourquoi je suis ici.» Tous dénoncent aussi la passivité des directions des confédérations qui, hormis FO, brillent par leur absence. «Les états-majors syndicaux frayent avec le gouvernement, nous n’avons plus rien à attendre d’eux», ajoute un «Conti».

En fin d’après-midi, devant la mairie et face à la foule, Guy Eyermann, leader CGT des New Fabris, conclut la manif sur le même ton : «Les directions syndicales nationales ne se sont pas déplacées ? L’odeur des machines qui brûlent doit leur être insupportable.» Et d’ajouter : «Aujourd’hui, chacun se bat dans son coin, demain, c’est tous ensemble qu’il faut lutter, et c’est tous ensemble que nous vaincrons.» Avant d’annoncer la création, à la rentrée, d’un collectif de salariés d’entreprises en difficulté.

Le dénouement des New Fabris, lui, devrait avoir lieu ce matin, par un vote à bulletin secret. La plupart des salariés croisés dans la manif avouent qu’ils voteront «oui» à la prime. En cas de non, la destruction de l’usine reste au programme…

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